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Le gars du train.



Le gars du train. Luc Delvaux 14/01/20 ou peut-être plus tôt.. j'sais plus.


« Elle est belle, cet’fille, quand-même »

Ca faisait un bout de temps que je l’observais avec amusement, ce type sur le quai de la gare (le train était en retard, je ne lui jetterai pas la pierre, moi qui pars toujours au moment d’arriver). Ce mec chantonnait, et pas n’importe quoi , une de ces chansons intemporelles dont seul Johnny a le secret : « .. queu je t’aime, queu je t’aime, talallalâ… ». Il ajoutait le geste au verbe. Finalement, d’observateur, je devins l’observé à qui « il » adressa la parole : « Elle est belle, hein, c’te chanson » « Eueuhhh…. », répondis-je , et ainsi commença notre conversation, enfin… il parlait beaucoup et j’écoutais beaucoup, mais c’était plaisant, sympa, oui, un gars qui m’était sympathique. Le train arriva sans nous prendre au dépourvu, car tout doit arriver un jour - c’est écrit-, et nous nous retrouvâmes face à face, entourés de faces faisant face à leur écran dit tactile, sans doute sur Facebook (ah, le monde de la communication, merci grand Saint Chose)

« Donc, elle est belle, c’te fille, quand-même, j’disais »

-Je vous relate ici ce que j’ai entendu, phrase par phrase, mot/mot, syllabe/syllabe, lettre par lettre-. Les quelques (ah non…) sont mes commentaires dans la relation de ce que j’ai entendu.-

Je ne vous le cache pas, tout au long, je me suis demandé de qui il parlait, mais puisqu’il parlait…..-

« Langoureusement étendue, elle m’a accueilli, ouvrant ses bras généreux (ah non, j’ai entendu –ouffrant-), c’était en décembre. Il m’a fallu du temps pour réaliser. Tout habillée de blanc !! On respirait ses formes sous ce manteau à peine fermé, qu’elle laissait glisser lentement, sensuellement. Benêt que j’étais, il m’a fallu du temps pour réaliser. –Viens, n’aie pas peur- En décembre, habillée de blanc, elle laissait glisser très doucement son blanc manteau. En moi, enfin le déclic, l’envoûtement (ah non, j’ai entendu -enffoûtement-) et me perdre, en son printemps, dans ses petits lacs bleus, ses douces courbes, collines, éruptions, forêts et grottes mystérieuses. J’étais fasciné, je m’y engouffrais, éperdu, heureux ».

A ces mots, dans le compartiment, les « Faces de book » s’abaissèrent, et toutes les têtes se tournèrent vers nous. Je me sentis m’enfoncer dans mon mauvais siège, façon de dire –c’est pas moi, c’est lui !-. « Tu – on peut se tutoyer,- tu auras compris, j’en suis tombé éperdument amoureux, coup de foudre , irréversible, total, final. Quelle chance, mon ami, quelle chance !! Inséparables depuis cet instant, il nous a fallu quand-même et il nous faut toujours composer l’un avec ( ah non, j’ai entendu -affec-) l’autre, mais tout finit toujours par s’arranger, et si je dis –qu’elle est belle cet’ fille-, c’est autant en référence à l’Essence qu’à la fleur. Pourtant, des moments catastrophiques malgré tout. Je fus même prêt à la quitter, à me perdre dans le néant, quand, comme je le croyais, elle était la cause de la perte d’une part de moi-même. On a dû m’aider, me faire comprendre qu’elle n’y était pour rien, et j’ai accepté. Nous sommes, depuis, encore plus inséparables, mon ami ! »

Fasciné par ce récit, je sursautai lorsque, tournant légèrement la tête, je vis tout ce monde autour de nous, tous ces yeux éberlués, même ceux du contrôleur, gardant quand-même leurs sourcils en accent circonflexe.

« Elle m’a beaucoup aidé, elle m’aide toujours, et pourtant, Luc, y’ a quelque-chose qu’elle ne peut corriger en moi. J’ai un vilain (ah non, j’ai entendu –filain-) défaut, un lettre que je ne sais pas prononcer et que je remplace par une autre!! J’sais pas, naturellement, te dire laquelle, mais par exemple, quand tu dis que t’as eu une andouille sous les yeux, je dirai –je Fis l’andouille- c’est idiot, ou si tu dis que tu sors de la maison, je dirai –Je Fais dehors- c’est gênant. T’as compris ? Même mon nom me cause problème.. Mais, t’inquiète, COMME JE L’AIME C’TE FILLE »

Mais le train arrivait à sa gare de destination à lui ; moi j’avais encore un long trajet.. Nous échangeâmes nos coordonnées, évidemment nos adresses « mail », nos cartes –car nous sommes tous deux un peu vieux genre- et c’est avec regret que je le vis descendre et me faire un signe joyeux . Au fait, je ne savais toujours pas qui elle était « c’te fille ». Ah ce type!!

Je compris sur sa carte son défaut de prononciation, et en quoi ça lui posait problème. « Aimé Lavie » qu’il s’appelait . Pour lui ça faisait « Aimé Lafie » Oui, pour nous, « Aimez la fille » c’était bizarre. Mais alors, quand j’entendais « Elle est belle cet’fille, quand-même », ça voulait dire « …. ». Ah, ce mec, "quand-même", j’ l’adore.

Et voici qu’une accorte jeune dame vient s’asseoir à sa place « Fous permettez, excuse mon vranzais ». Du coup, toutes les faces, dans le compartiment, se sont replongées sur leur « Face de book » . Et me voici reparti pour une nouvelle aventure passionnante.


Mais Tiphaine*, qu'est-ce que tu me fais écrire!

*Tiphaine Touzel a créé la page fb “La vie est belle, quand-même”, plus du tout active, "faut dire, quand-même"!


Les yeux bandés acrylique sur toile – 80/100 cm 19… photo Luc Delvaux Bios-Art ©

© Luc Delvaux publié 01/06/2023

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