En élaboration
Une partie de mon travail consiste plus en une recherche graphique à partir de photographies, tandis qu'il m'arrivera, quand-même, de rester fidèle à une représentation plus conforme aux codes .
Quelle histoire!
"Cette histoire, c’est celle d’un buvard, d'un filtre, d’une louche et d’une potion. Superposés : le buvard en dessous, le filtre au-dessus. La louche, voyageuse, la potion, dans l’indicible. Magique, difficile à expliquer et encore plus à comprendre… à moins qu’il n’y ait rien à expliquer et encore moins à comprendre
D’abord le filtre. Sa composition induit qu’il n’agit que sous certaines conditions. Sa peau est tissée d’émotions, de sensibilité, d’un peu d'intellect tordu, de dérision, de sentiments, de l’atmosphère de ce point précis de l’univers
La louche, elle, récolte toutes les joies, toutes les peines du monde et de la banalité, tout ce qui crée hier, aujourd’hui et demain. On attend. On attend ; il manque à la potion un élément déclencheur, on attend ; ça remue, ça enfle, mais on attend.
Magique, difficile à expliquer et encore plus à comprendre… à moins qu’il n’y ait rien à expliquer et encore moins à comprendre.
Personne ne s’impatiente, on sait que c’est la vie, que ça viendra ou pas et qu’après tout, ce n’est pas toute la vie ; on attend dans cet éternel été. On sait qu’à son heure, la louche invitera dans la potion ce qui lui manque: un bout de ciel gris ou bleu, de chemin ensoleillé ou de flaque, un mur abandonné ou ignoré, une miette de ce qui fait le quotidien, l’apparente banalité, banalité où sont pourtant enfouis tant de richesses, de la violence, parfois, de l’amour, toujours, à ce point précis de l'univers, à cet endroit, en ce moment captés. Alors, seulement la mixture se déversera sans retenue sur le filtre, titillant sa sensibilité, son esprit, son vécu, ses vides et ses pleins. C’est ça, le filtre agit, ne se retient plus, il doit diffuser.
Donc le buvard, page blanche, écran noir, attendait, lui aussi. Mais bientôt il sent les premières gouttes s’insinuer dans ses fibres, le premier nuage, cette boue, ce poil de chien, cette queue de cerise, ce soleil. Il boit, il absorbe, gorge ses fibres de couleurs, de matières, de formes, en collaboration étroite avec le filtre « on va glisser le bleu vers ta mélancolie, ta colère ou ta tristesse ressortiront mieux, …mais, malgré tout, l’ensemble transpirera la part d’espoir, l’amitié, l’amour, pour ce que valent les hommes », Et ,lorsqu’à satiété, le buvard commencera sa vie de page remplie, il montrera toujours de la boue, de la brique, un arbre, une mort, une résurrection, mais tellement chargés d’ondes qu’ils en seront transformés.
Le buvard le sait, soit il restera serré entre deux pages d’un cahier d’écolier, soit il voyagera au jour. Mais il sait aussi, que, tôt ou tard, il aura le bonheur d’interagir avec le quidam qui l’aura sous les yeux Celui-ci, s’il en a envie, s’en créera son propre voyage ; sa louche nourrira son propre filtre, en quelque sorte.
Hermaphrodite, le buvard fait un petit, feuille blanche ou écran noir, qui, à son tour, le moment venu, boira l’encre de l’indicible."
Luc Delvaux